Donnez une seconde vie aux objets Où donner ? Où acheter ?

Actualité / Accompagnement

«Nous n’avions plus d’autre choix que de partir»

«Nous n’avions plus d’autre choix que de partir»

A. est arrivée en France avec son mari et ses deux garçons en mai 2012. Originaires du Kosovo, ils vivent depuis plus d’un an au Centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) géré par l’association Emmaüs Bussières et Pruns. Ils ont déposé une demande d’asile il y a un an et demi et attendent, depuis, la réponse. Témoignage.

« Ce n’est ni par choix ni par facilité que nous avons quitté notre pays, mais bien par obligation. Ma famille et moi-même sommes originaires du Kosovo, un pays dont l’histoire et la composition sont extrêmement complexes. Nous appartenons à la minorité gorani, c’est-à-dire que nous ne sommes ni Serbes ni Albanais, même si nous parlons la langue serbe, et nous sommes musulmans… Une position très difficile, depuis des décennies, mais qui a empiré au sortir de la guerre du Kosovo. Parce qu’il parle serbe, mon mari a été contraint de faire la guerre à leurs côtés, mais lorsque celle-ci a pris fin, il a été persécuté par les Albanais pour cette raison, sans pour autant être soutenu par ceux avec qui il avait combattu, contraint et forcé….

Nous ne voulions pas partir. Alors que la vie quotidienne était compliquée par ces menaces, critiques, persécutions, j’ai accouché de notre premier enfant. Nous lui avons donné un prénom d’origine russe, que nous aimions beaucoup, et là aussi, cela a donné lieu à des critiques. Je travaillais, aux côtés de ma famille, dans diverses plantations – champignons et autres produits -, et mon mari aussi. Mais les intimidations n’ont pas cessé, loin de là. La guerre était alors finie depuis plusieurs années, mais mon mari était toujours traîné dans la boue. Et dans le même temps, l’Islam au Kosovo devenait de plus en plus radical : une femme musulmane qui a une activité professionnelle, ce n’est pas convenable ! Pourtant, j’ai toujours travaillé, j’ai toujours porté les vêtements que je souhaitais, en accord bien sûr avec les valeurs de ma famille. Mais, du jour au lendemain, cela devenait criminel…

Mais là encore, nous ne voulions pas partir. Tous les jours, nous nous disions que cela allait s’arranger, que les choses finiraient par s’améliorer. C’est dans ce contexte que notre deuxième fils est né. Et quelques temps plus tard, alors que nous étions au parc, une mère a interdit à mon fils de jouer avec les autres, parce que nous sommes issus de la minorité gorani. Ce fut l’insulte de trop. Que l’on me fasse du mal, que l’on frappe mon mari, cela pouvait encore passer… Mais pas les enfants, pas nos enfants. Nous avons donc décidé de quitter le pays, encouragés par nos parents, amers mais persuadés que cela avait été trop loin. Il faut vivre au Kosovo pour comprendre ce qui s’y passe. Nous avons déposé plusieurs plaintes pour toutes ces violences bien sûr, mais la police n’a jamais enquêté. Jamais. Même quand mon mari a fini à l’hôpital.

Le voyage jusqu’à la France fût difficile. Les enfants étaient fragiles et traumatisés. A notre arrivée, nous avons vécu trois semaines à l’hôtel, puis, après le dépôt de notre demande d’asile, nous avons été orientés vers le CADA. Nous attendons aujourd’hui d’être convoqués pour notre recours. Et j’espère pouvoir expliquer tout cela, notre parcours, la complexité de la situation dans notre pays d’origine. Aujourd’hui certains me demandent pourquoi nous avons attendus si longtemps pour partir. Mon pays, ma maison, mes parents, ma famille… Qui peut croire que l’on quitte tout cela facilement ? »

Almira et son mari ont été reconnus réfugiés politiques le mercredi 6 novembre 2013, quelques semaines après l’entretien qui a précédé ce témoignage.